Médiacafé – Un service public européen de l’information, une solution?

Lundi 18 octobre, le café Rits à Bruxelles, organisait une conférence/débat sur le thème “Europe, no medium, no message“. J’y ai traîné mes guêtres. Petit tour d’horizon de ce qui s’y est dit.

Les invités autour de la table étaient :

Bart Sturtewagen, rédacteur en chef du service International/UE de De Standaard, un des principaux quotidiens flamands de Belgique.
Brigitte Alfter, de la “European Fund for Investigative Journalism” et ancienne correspondante à Bruxelles pour la presse danoise.
Leigh Phillips, journaliste à EUObserver.
Le tout était modéré par Koen Vidal du “De Morgen” (principal concurrent du Standaard).

Petite précision: tout cela s’est déroulé en anglais. Il s’agit donc de traductions.

Comment couvrir l’UE ?

Bart Sturtewagen: “la couverture des affaires européennes est un débat récurrent au sein de la rédaction. Toutefois, le Standaard a depuis longtemps fait le choix d’avoir un correspondant auprès des institutions européennes. Nous venons même de passer à deux. Mais pour être honnête, il nous en faudrait le double pour faire un vrai travail de fond. (…). Souvent les gens demandent plus d’informations sur l’UE, mais quand on y répond, ils ne sont pas réactifs. Ils ne voient pas en quoi cela est important. (…). L’UE est une grosse machine. Nous avons besoin de temps pour montrer son intérêt et son influence dans la vie politique. (…). Un de nos problèmes est de savoir quand commencer à parler d’une décision ? (…). Le problème n’est pas un manque d’information en provenance de l’UE, au contraire, il y en a trop. Nous sommes noyés”.

Leigh Phillips: “Nous essayons de sortir des “histoires”. Car malgré tout, les journalistes sont des story tellers. Par exemple, nous avons publié la semaine dernière l’information comme quoi le Président du Conseil européen, Herman Van Rompuy avait utilisé sa voiture de fonction et son chauffeur pour se rendre à Paris pour prendre l’avion…avec neuf membres de sa famille. Nous n’avons pas été repris par énormément de journaux (…). A l’inverse, lors de la fin de guerre civile au Sri Lanka, nous avons mis en avant que neuf pays de l’UE continuaient à vendre des armes au gouvernement alors que cela est interdit quand un pays est en guerre. Et là, seulement deux journaux l’avaient fait… (…). Pourtant dans une démocratie, les journalistes n’ont pas uniquement à raconter les histoires qui plaisent au public. Nous devons aussi montrer ce qui est important. Pour le Sri Lanka, je pensais que cela était important”.

Brigitte Alfter: “Dans le travail de journaliste, nous avons de besoin de visages connus que les gens peuvent facilement identifier. C’est ce qui manque au niveau européen. Il est difficile de raconter des histoires comme nous le faisons au niveau national. (…) Les eurodéputés danois sont souvent cités dans les journaux. Mais cela devient plus complexe quand il s’agit d’interviewer pour la radio ou la télé, un eurodéputé italien avec qui nous parlons en français.

Des journalistes influencés par l’UE ?

Leigh Phillips: “Nous voyons dans les articles de nos journalistes l’utilisation du jargon de l’UE. S’il est compris par les gens de la bulle européenne, il ne l’est pas par le citoyen lambda. De ce fait, nous essayons de l’éviter. Au lieu de dire “directive” nous utilisons le terme “law” ou “piece of legislation”.

Journalisme d’investigation européen ?

Brigitte Alfter: “Quand vous êtes journalistes à Bruxelles, vous êtes submergé par l’information et l’agenda officiel. Le plus difficile est de pouvoir mettre en place son propre agenda. De résister à la tentation de juste suivre le processus officiel et d’aller plutôt creuser un sujet. Quand je travaillais encore à Bruxelles, avec d’autres collègues européens, nous nous étions mis à travailler sur l’utilisation des fonds européens de la politique agricole commune. Après enquête, nous avons publié, chacun dans nos pays, les résultats avec les noms des plus gros bénéficiaires de la PAC, dont la famille royale britannique et des gens morts (en Suède)”.

Les journalistes, alliés des eurosceptiques ?

Brigitte Alfter: “Ceci n’est pas mon job. Mon travail est de montrer comment l’UE fonctionne et ce qu’elle fait et ce qui ne va pas. Mon approche ne doit pas être partisane ou politique. Le pouvoir de l’UE a besoin d’être contrôlé avec les mêmes outils qu’au niveau national”.

Leigh Phillips: “Ce n’est pas notre mission de décider qui va utiliser notre travail. Et ce n’est pas en cachant ce que fait l’UE que sa popularité en sortira grandie”.

Culture diplomatique ?

A partir de là, mes notes sont un peu plus “espacées”. Mais un aspect intéressant a été soulevé: l’UE a été créée en tant qu’organisation internationale, et donc par des diplomates. Du coup, il existe encore dans les institutions européennes, une culture “diplomatique” qui favorise le secret, qui écarte le journaliste (sauf quand on a besoin de lui) étant perçu comme un élément perturbateur. La question est maintenant de savoir combien de temps cela va-t-il prendre à l’UE pour acquérir une culture démocratique. Sur ce point, je suis tout à fait d’accord avec les intervenants. Les responsables de la communication UE sont souvent maladroits avec les journalistes ou alors ils les fuient comme la peste.

En remarque de conclusion, Leigh Phillips a déclaré qu’il était favorable à la mise en place d’un “service public européen de l’information”. Pour un britannique, cela fait tout de suite penser à la BBC, abreuvée par l’argent de l’Etat mais qui jouit d’une très grande liberté.