Crier à la censure ? Que nenni

[24 décembre 2014] Jus de cervelle en cette veille de Noël. Depuis quatre jours, je cogite sur le cas Zemmour, et malgré tous mes efforts, je n’arrive pas à y voir la censure, ni en quoi cela serait choquant qu’il ait été foutu à la porte d’iTele. Explications.

En tant que chroniqueur, la cause de son licenciement réside dans ses propos sur les musulmans dans la presse italienne [voir ici]. Or, un média, quel qu’il soit, peut se séparer d’un collaborateur défendant des valeurs dans lesquelles la rédaction ne se reconnait pas. 

En tant qu’employé [le mot est important, il ne s’agissait pas d’un invité à titre personnel], vous représentez votre journal quand vous vous exprimez. Zemmour le sait.

Là, iTele a fait un choix de ligne: virer un homme qui ne condamne pas l’idée de déplacer 5 millions de personnes du fait de leur religion.

De la même façon, les journalistes disposent de clauses pour protéger leurs écrits. Par exemple, si mon patron veut revendre pour publication certains de nos articles, je dispose d’un droit de veto si j’estime l’association de mon nom à l’acheteur pourrait me porter préjudice.

Il est par ailleurs important de relever que Zemmour n’est pas un journaliste au sens strict du terme. Il gagne sa vie en développant ses idées dans les médias, loin du travail d’enquête sur les pratiques du pouvoir, sur les lois, la société ou les faits. Ainsi, logique que ses idées soient aussi la cause de ses licenciements [et de ses embauches].

Pour le coup, si sa rédaction s’attachait à vérifier la véracité de ses propos ou de ses chiffres, ça ferait très longtemps qu’il serait au chômage.

La censure, ça serait lui interdire tout passage médiatique par la loi, alors que là, rien n’empêche de proposer à Zemmour d’être présent sur une autre chaîne ou même sur iTele à l’occasion d’un débat quelconque, en tant que simple invité.

Ainsi, dans ce cas précis, crier à la censure, ou affirmer qu’il n’aurait pas dû être démis de ses fonctions, n’a à mon sens qu’un effet: porter un jugement sur son opinion concernant les musulmans français ou vivant en France, et qui ne serait pas un motif de valable pour un licenciement.

Je doute que le débat public d’une démocratie consiste à savoir si déporter plusieurs millions de personnes est une bonne chose ou pas. Et quand on voit d’où sont venus les principaux soutiens à Zemmour, à savoir le Front National, tout de suite, c’est plus clair.

Quant aux déclarations de Mélenchon et Cohn-Bendit, je trouve que les deux hommes se trompent lourdement, ne prenant pas en compte la relation “employé-employeur” qu’entretenaient le chroniqueur et la chaîne.

CartonZemmour

Note: le côté “surprenant” de l’Histoire selon Zemmour dans la presse italienne fait référence à l’expulsion des Allemands des territoires d’Europe de l’Est à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Il serait bon de préciser que sur la dizaine de millions de personnes concernées [et non 5 ou 6 comme il l’affirme, certains historiens parlent même de 13], entre 500 000 et 1,5 million ont été tuées et que cela s’inscrivait dans un contexte historique particulier. Le déplacement des frontières vers l’Ouest – provoquant la perte définitive de vieux territoires germanophones – avait un caractère punitif après les atrocités commises par le IIIe Reich. Certaines populations étaient installées depuis des siècles sur ces terres et encore aujourd’hui, le retour des descendants est un sujet hautement sensible dans les pays concernés [République tchèque, les Baltes, Pologne, Hongrie, etc].