Ce qu’il reste du journalisme

[31 janvier 2015] Un vendredi soir de fin janvier, premier cours du semestre. Pour la 4e année, j’officie en tant qu’intervenant extérieur à l’Université Catholique de l’Ouest à Angers, pour un cours intitulé “analyse d’actualité politique”. Un terme qui permet de faire à peu près ce que vous voulez sur le plan académique: quizz d’actualité, rédaction de blogs, débats, etc.

Pour débuter et faire connaissance avec ma nouvelle promo, comme à chaque fois, je demande à la trentaine d’étudiants de répondre à quelques questions: dans quelle filière sont-ils, leur année, leurs attentes pour le cours, les médias qu’ils consultent, leurs thématiques préférées, s’ils ont déjà une expérience professionnelle, leur plan de carrière s’ils en ont un.

C’est très basique mais ça permet d’adapter le programme des séances.

Il y avait aussi une question bonus: “comment percevez-vous les médias et les journalistes ?”

Ils ont ri, et m’ont demandé s’ils pouvaient vraiment écrire ce qu’ils pensaient, s’interrogeant déjà si leur écrit n’allait pas influencer leur note finale.

“Écrivez ce que vous pensez, sinon, ça n’a aucun intérêt” leur ai-je répondu.

Je n’ai lu le résultat que le lendemain, dans le train qui me ramenait à Paris.

Je vous laisse juger de l’état de la profession auprès d’étudiants qui ne se destinent pas tous au journalisme, loin de là [enseignement, RH, communication, humanitaire, fonction publique, relations internationales, etc].

Sans concessions [mais avec parfois une confusion entre analyse/neutralité/objectivité qu’il va falloir clarifier au prochain cours]:

  • “je vois les journalistes comme des gens qui ne savent plus rester neutres et qui sont enchaînés à des idées préconçues et à leur salaire”
  • “vision partielle de la réalité, voir déformante dans certains cas”
  • “image assez négative, dépend des médias mais souvent volonté de faire du buzz”
  • “font peur et extrapolent”
  • “quelques journalistes ont des analyses pertinentes, néanmoins, ils ne sont à mon avis qu’une minorité”
  • “tout dépend de la façon dont ils voient leur métier, mais très souvent, abrupts et invasifs, pour leur malheur”
  • “trop de bourrage de crâne pour les médias TV, bonne image de la presse papier et Internet”
  • “impression de répétition d’un média à un autre”

Lueurs d’espoir [malgré tout]:

  • “plutôt positive malgré les quelques dérives”
  • “métier qui fait en sorte de nous dévoiler certains sujets, mais je pense qu’il y a une certaine baisse de la qualité, pour moi, ça vire trop au sensationnel”

A la fin de la lecture des réponses de mes étudiants, je me suis rappelé une conversation avec un ancien collègue de la rédaction du Courrier de l’Ouest de Saumur, aux alentours de Noël 2013.

Il me disait qu’au fil des années, il ressentait un changement dans la perception que les habitants de la région avaient des journalistes, et donc, de la façon dont ils s’adressaient à lui.

“Si on remonte 20 ans en arrière, la position sociale qui nous était accordée dans l’imaginaire collectif était probablement excessive, mais dorénavant, c’est l’inverse. Les personnes que l’on croise nous interpellent sur notre travail, le remettent en cause, et quand ça ne leur plait pas, disent que nous sommes comme ceux de Paris, copains comme cochon avec les politiques… nous avons des responsabilités, mais à notre niveau, on paie en direct pour les dérives d’un certain monde parisien”.