Pourquoi être journaliste européen ?

[13 décembre 2010] Les membres de la Castor&Pollux Agency vous expliquent pourquoi malgré les recommandations de leurs proches, de leurs banquiers et de leurs médecins, ils persévèrent dans cette voie.

Nous ne comptons plus les remarques ou les exclamations de nos interlocuteurs en présentant notre profession: « journaliste européen » ou « journaliste spécialisé dans les affaires européennes ».

Elles peuvent aisément se diviser en deux catégories.

La première correspond à l’étonnement qu’un tel domaine puisse faire l’objet d’un intéressement, d’une attention particulièrement, alors qu’il est quasiment absent du champ médiatique. « Ah oui, des journalistes spécialisés Europe, ça existe ? »

Ou l’expression proche du soupir…: « Ah oui…c’est intéressant » , avant de passer à autre chose. Sans oublier la cousine, qui persévère, au repas de Noël: « Euh, en fait, j’ai toujours pas bien compris ce que tu faisais…»

La seconde est plus englobante. « Aaaah l’Europe. C’est vraiment devenu n’importe quoi…Bruxelles, les politiciens, tout ça…Ah mais c’est pas pour vous… » Mais si justement, c’est pour nous. Cette remarque montre une chose: la désastreuse image de l’Union européenne déteint sur les acteurs. Aux yeux de beaucoup, nous sommes ses complices camouflés sous une carte de presse.

Jeunes journalistes ayant fait le choix délibéré de cette profession, ce n’est pas le militantisme qui nous a poussé là où nous sommes aujourd’hui. Notre mission première reste le devoir d’information de tous. Quelle différence entre un journaliste spécialisé en économie, politique nationale ou culture et nous ? Aucune. Nous sommes des spécialistes avec la volonté d’être au service de tous, comme les autres.

Comme tous citoyens, nous avons nos convictions personnelles mais ce ne sont pas elles qui nous guident dans notre travail. Que l’Europe soit fédérale, confédérale ou des Nations, cela est secondaire dans notre travail quotidien. Ce débat ne nous appartient pas plus qu’à d’autres. Il relève des citoyens et des hommes politiques. Quelles que soient les décisions, nous serons là pour en rendre compte.

Pour un journaliste, l’Union européenne est un défi formidable. Le journaliste, quelque part, c’est celui qui explique, qui démêle, qui raconte, et qui met en contexte. De ce point de vue, l’Europe, c’est la cliente parfaite: connaissez-vous un plus gros sac de nœuds? L’Europe, de ce point de vue, c’est le nec plus ultra.

Aujourd’hui l’UE est une réalité. Au fil de la construction européenne, elle est devenue un réel niveau de pouvoirs, avec des compétences et la capacité de déterminer la vie de millions de citoyens, au même titre que nos démocraties nationales. Rien que cela rend nécessaire la présence de journalistes, qui racontent aux lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs les petites ou la grande histoire de la construction européenne. Un pouvoir sans ses journalistes qui le scrutent, le questionnent, le poussent à se remettre en cause et le rendent plus transparent, est livré à lui-même et s’autodétruit. L’UE a donc besoin de ses journalistes, comme elle a besoin de ses fonctionnaires, de ses députés, de ses experts, de ses lobbyistes, de ses citoyens.

L’Europe ennuie ? Peut-être. Sans doute. Et alors ? Le défi n’en est que plus grand. Le lecteur ne vient pas à nous ? Allons à lui. Il pense que ce qui sort de la machine bruxelloise ne le concerne pas ? Montrons lui le contraire. Il croit qu’il n’a aucune influence sur les décisions prises par l’UE ? Informons-le, pour qu’il puisse se manifester avant que l’adoption définitive des textes. Le métier de journaliste ne consiste pas à traiter uniquement ce qui pourra plaire au lecteur, téléspectateur ou auditeur.

Nous avons au contraire le devoir de le surprendre. Personne ne s’intéresse à l’Europe pour l’amour de l’Europe.

Texte aussi publié sur le blog de LB2S.